Portraits et récits

Portraits et récits

Studio/K, Amsterdam

Laura Kneebone

13/07/2018

Une organisation étudiante sans structure hiérarchique qui offre le meilleur du cinéma européen

Studio/K, Amsterdam

Studio/K a ouvert ses portes en 2007 dans l'est d’Amsterdam, au sein d’un quartier multiculturel. L’impressionnant bâtiment, centenaire, une ancienne école, a été transformé pour accueillir un cinéma à deux écrans, une discothèque, un restaurant et un bar, dont la gestion devait être entièrement et exclusivement assurée par des étudiants. En 2017, Studio/K a fêté son 10ème anniversaire. Une semaine complète a été dédiée à la fête avec de la danse, de la restauration, de la musique live et bien sûr, des films, en l’honneur du plus récent et plus ambitieux projet de la fondation Kriterion à Amsterdam. Durant le week-end, les portes sont restées ouvertes pendant 36 heures. Aujourd’hui, l’établissement est florissant et donne tous les jours un nouveau sens au terme « cinéma de quartier ».

Le public a la possibilité de regarder un film, manger, écouter de la musique live et danser au même endroit, parfois dans une même journée.

Pour comprendre le concept de Studio/K et les bases de son fonctionnement, il faut connaître son contexte historique. À la fin de la guerre, en 1945, Amsterdam s’est familiarisée avec l’idée d’associer les étudiants et le cinéma. Cette année-là, le cinéma Kriterion, issu du mouvement de résistance étudiant, a fait son apparition. Son objectif, outre l’apport de grands films européens à Amsterdam, était d’offrir une expérience professionnelle et une indépendance financière aux jeunes pendant leurs études. Dans les années 1980, la tension est montée entre le comité du Kriterion et les étudiants qui y travaillaient. Suite à l’occupation du bâtiment du cinéma et à la bataille juridique qui s’ensuivit, les étudiants ont constitué leur propre union avec la volonté de gérer eux-mêmes le cinéma. D’autres projets ont suivi et, en 2007, ils ont lancé un concept visant à dépasser l’idée d’un simple cinéma. L’établissement allait s’appeler Studio/K, en référence à sa genèse en 1945.

En 2005, l’objectif des fondateurs était d’ouvrir le premier cinéma du quartier est d’Amsterdam. Les vastes espaces vides délaissés dans le bâtiment datant du début du 20ème siècle étaient idéaux pour accueillir non seulement deux écrans, mais aussi un bar-restaurant, un théâtre et une discothèque équipée d’une scène.

Le quartier est d’Amsterdam, Indishe Buurt, est caractérisé par son cosmopolitisme. Les premières années, le Studio/K visait en priorité les habitants du quartier originaires de pays hors d’Europe occidentale. Des films en langues arabe, turque et hindi s’inscrivaient dans la programmation pour attirer le public local. À cette époque, Studio/K a établi des partenariats avec divers festivals de films. Cinq ans plus tard, cette stratégie s’est révélée risquée pour la pérennité et la stabilité financière du cinéma.

Nous souhaitons ainsi renforcer notre lien avec le quartier tout en élargissant notre propre horizon culturel.

Par ailleurs, le nombre de cinémas art et essai à Amsterdam augmentait rapidement. Ainsi, la programmation s’est tournée vers un plus grand nombre de films jouissant d’un premier passage en salle et vers des titres variés. Au cours des cinq années suivantes, le nombre de spectateurs a régulièrement augmenté. Des changements ont également été opérés en ce qui concerne la programmation d’événements spéciaux, qui s’effectue maintenant sur un rythme hebdomadaire. En 2017, la petite salle a été entièrement rénovée et la tribune rétractable remplacée par des sièges permanents. Nous nous sommes posées des questions importantes - telles que : « Gardons-nous l’aspect multifonction de la salle pour la programmation du cinéma et de la discothèque ou nous concentrons-nous uniquement sur le cinéma ? » – sujettes à de longues discussions.

Même si de nombreux habitants du quartier continuent de venir au Studio/K, le public se diversifie à un rythme rapide. De plus en plus d’étudiants, à notre image, déménagent dans le quartier suite à la décision de l’Université d’Amsterdam de transférer l’une de ses facultés à l’est de la ville. La gentrification a été rapide ces cinq dernières années. Ainsi, de jeunes familles fréquentent Studio/K. En ce moment, nous nous efforçons d’attirer de nouveaux publics tout en gardant une image ouverte et abordable, afin que tous ceux qui étaient avec nous depuis le début restent les bienvenus. Nous avons investi dans un programme culturel diversifié comprenant des conférences, de la poésie et des débats.

Dans l’équipe du Studio/K, composée d’environ cinquante étudiants, sans manager, chacun est responsable de ses propres tâches.

Différents comités se partagent l’organisation : cinéma, restauration, programmation musicale, technique audiovisuelle, marketing, entretien, ressources humaines, planification des événements et finances. Chaque étudiant est censé travailler le même nombre d’heures et nous recevons tous le même salaire chaque mois. Chaque décision est soumise au débat et sujette à un vote. L’absence totale de hiérarchie entraîne une bonne dose de désordre, mais elle crée un environnement de travail absolument unique. Les jeunes gens apprennent à travailler ensemble, à développer leurs compétences et à découvrir de nouveaux intérêts et de nouveaux talents. Le but recherché n’est pas le gain ou le profit personnel. Nul propriétaire ne profite de nous. Nous travaillons pour notre propre épanouissement, pour nous tous et parce que nous aimons tout simplement Studio/K et tout ce qu’il a à offrir.

Laura Kneebone

----------

http://studio-k.nu/

----------