Portraits et récits

Portraits et récits

Cinema Visionario, Udine

Marco Villotta

Mai 2017

Udine est une petite ville d’environ 100 000 habitants, située au nord-est de l’Italie, dans une région appelée Frioul-Vénétie Julienne. L’histoire du Centro Espressioni Cinematografiche (C.E.C.), la société d’exploitation du Visionario, débute dans les années 1970 avec la gestion d’un cinéma de 200 places appelé Ferroviario, dédié aux films d’auteur et de qualité.

Cinema Visionario, Udine

Pendant les années 90, le Ferroviario voit son nombre d’entrées augmenter, alors que d’autres cinémas de la ville sont contraints de mettre la clé sous la porte et que, par ailleurs, s’ouvrent deux multiplexes en banlieue. 

Au début de l’année 2000, la municipalité d’Udine décide de transformer en cinéma une ancienne école de filles, bâtie sous le régime fasciste dans les années 30. Cet édifice, magnifique exemple d’architecture rationaliste, se trouve à proximité du centre-ville dans un quartier résidentiel. Les travaux de restauration se terminent en 2004 avec l’ouverture du Visionario, un cinéma avec trois salles, un bar, une librairie, un espace d’exposition et une médiathèque. Les travaux de restauration ont été financés par la Région du Frioul. En plus du Visionario, qui totalise 400 places, le C.E.C. opère également le seul cinéma survivant de la ville : le Centrale qui, dans les années 1990, a été transformé en un cinéma à deux écrans. Tandis que le Visionario est avant tout un cinéma art et essai - il est membre du réseau Europa Cinemas -, le Centrale propose un programme plus commercial. Le Ferroviario a fermé ses portes en 2008, en grande partie parce que l’avenir de son édifice était très incertain.

Deux autres projets significatifs ont élargi le champ d’activités du C.E.C. et viennent compléter la partie cinéma.

Le premier est le Far East Film Festival, un festival consacré au cinéma asiatique populaire. C’est le projet artistique et culturel le plus important géré par C.E.C.. Sa 19ème édition a eu lieu en avril 2017. Les films sont projetés dans le cinéma principal de la ville qui peut accueillir 1200 personnes, ainsi qu’au Visionario. Y sont présentés 60 à 70 films qui attirent environ 1200 participants accrédités et touchent 60 000 personnes.

Le second projet est Tucker Film, une société de distribution de films fondée en 2008 en coopération avec Cinemazero dont le catalogue privilégie principalement les productions cinématographiques d’Asie de l’Est, mais propose également des titres européens et italiens. DEPARTURES de Yōjirō Takita, SOLEIL DE PLOMB de Dalibor Matanić et ZORAN, MY NEPHEW THE IDIOT de Matteo Oleotto en sont quelques exemples.

Un cinéma européen regardant vers l’Est

Le Far East Film Festival sert également de cadre au FEFF Campus, un projet pédagogique pour les jeunes aspirants journalistes asiatiques et européens. Dix étudiants ont la possibilité d’assister à un programme de formation avec des séminaires, interviews et ateliers axés sur l’art du cinéma et l’écriture. Ainsi, ils travaillent sous la supervision de professionnels expérimentés issus du monde du cinéma et des médias.

L’année 2016, en particulier les six premiers mois, a été positive pour le cinéma en Italie, grâce notamment à quelques films nationaux. Pour le Visionario également, cela a été une très bonne année puisqu’il a totalisé plus de 112 000 entrées, le meilleur résultat jamais obtenu jusque-là. Ce succès s’explique par la popularité de grands films européens, parmi lesquels : ASPHALTE de Samuel Benchetrit, SUFFRAGETTE de Sarah Gavron, THE DANISH GIRL de Tom Hooper, LE FILS DE SAUL de László Nemes, FLORENCE FOSTER JENKINS de Stephen Frears, et MOI, DANIEL BLAKE de Ken Loach.

D’une manière générale, les cinémas italiens proposent une bonne sélection de films européens, mais il arrive aussi qu’il y ait un problème de délai (de nombreux films sortent trop tard en Italie, par comparaison avec d’autres pays européens) ; par ailleurs on constate un manque de films pouvant plaire au jeune public.

En termes de marketing, nous avons, durant ces dernières années, travaillé à une stratégie pour améliorer l’usage de nos réseaux sociaux, particulièrement Facebook. Cela a demandé l’aide d’un spécialiste en communication qui forme notre équipe. Notre atout principal cependant reste incontestablement la loyauté et la fidélité de nos adhérents (5000). 

Udine est une petite ville, mais elle est différente d’autres villes à première vue similaires. Là où les cinémas tendent à ouvrir tard, nous commençons très tôt dans la journée (les premières séances ont lieu dès 14 ou 15 heures), offrant ainsi un créneau horaire particulièrement adapté à des personnes âgées, un public qui, si nous n’offrions que la plupart des séances en soirée, serait négligé.  

Outre une programmation de qualité et le choix de bons films, le Visionario se veut un endroit accueillant à la fois pour le public en général et les plus jeunes spectateurs et cela, toute l’année durant. Le cinéma s’efforce d’adapter son espace à différentes formes de divertissement. En été par exemple, nous installons une arène en plein air où les films peuvent être regardés au moyen d’un casque. Nous organisons également divers événements comme des concerts, des dîners et des marchés en plein air. Tout au long de l’année, le café du cinéma est le cadre de concerts et DJ sets (presque une centaine en 2016) avec l’aide de groupes locaux, d’artistes et d’organismes de jeunesse. Qui plus est, la bibliothèque audiovisuelle du Visionario « Mario Quargnolo » coordonne des ateliers et des programmes pédagogiques destinés aux jeunes. Toutes les activités ne se traduisent pas par une augmentation immédiate des ventes de tickets, mais toutes contribuent à asseoir la remarquable position du Visionario parmi les activités de loisirs toujours croissantes de la ville. 

Marco Villotta, Co-directeur