Les actualités

Les actualités

CineArte à Londres

Javier Pachón

25/06/2017

L'échange m'a apporté l'inspiration théorique et l'information pratique et fonctionnelle dont j'avais besoin. De plus, visiter de nombreux cinémas du paysage londonien, c’est avoir un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler l'avenir des cinémas d'art et d’essai.

CineArte à Londres

Si vous vous intéressez au nombre de cinémas, d'écrans ou d'entrées, vous verrez l’Espagne osciller entre la 4ème et la 5ème place des marchés européens. Cela pourrait vous faire supposer que l'Espagne est un pays qui aime le cinéma ; que son peuple embrasse ouvertement l'expérience cinématographique dans le cadre de ses loisirs et de sa culture. Et de là, la déduction évidente serait l'existence d'une sorte d'entité qui soutient, promeut et développe cet intérêt des espagnols pour le cinéma. Cependant, votre dernière déduction serait fausse. Et c’est précisément ici que CineArte intervient et que le programme Next/Change d’Europa Cinemas joue le rôle crucial de nous aider à changer cette situation. 

Un réseau de salles indépendantes et d'art et d'essai

Au cours des 10 dernières années, l'Espagne a perdu près de 35% de ses cinémas, mais à la suite de cette crise, diverses initiatives ont débouché sur la réouverture de certains d'entre eux. A titre d'exemple, le premier cinéma à rouvrir était CineCiutat, à Majorque. Il est devenu depuis un exemple pour beaucoup d'autres salles dans toute l'Espagne. Une sorte de chaîne de solidarité informelle et spontanée est née entre ces nouveaux cinémas indépendants. Il fallait alors rencontrer d’autres salles. Dans ce contexte, pour faire face à l'absence d'une institution ou d'un réseau régional ou national axé sur les cinémas d’art et d’essai et indépendants, nous avons décidé de créer le nôtre et c'est ainsi qu’il y a plus d'un an est né CineArte.

Nous avons d’abord cherché à contacter des cinémas qui pourraient rejoindre le réseau, à fixer nos principaux objectifs à long terme et à établir une relation formelle avec Europa Cinemas et la C.I.C.A.E. qui nous ont soutenu dès le début. CineArte comporte désormais 32 salles membres et le temps est venu pour nous de faire avancer les choses : en tant que président - récemment nommé -, mon objectif immédiat est de mettre en place une structure de fonctionnement qui nous permette de renforcer la position du réseau en attirant plus de membres.

Souhaitant apprendre d’autres modèles existants pour faire des propositions aux institutions espagnoles, nous avons sollicité l’aide d’Europa Cinemas qui nous a encouragé à participer au programme Next/Change. Ainsi, après avoir rencontré les représentants de Film London et Independent Cinema Office lors d’un Innovation Lab à Séville, et connaissant Jon Barrenechea de PictureHouse depuis quelques années, j'ai décidé d'aller à Londres pour m'inspirer de ces organismes qui fonctionnent sur des partenariats public - privé ayant des objectifs, des structures et des services divers. 

Je voulais développer mes compétences dans trois domaines principaux :

  • les services offerts aux cinémas et les critères pour les sélectionner (dans le cas de PictureHouse, les domaines sur lesquels ils se focalisent le plus)
  • la structure de fonctionnement (départements, nombre d'employés...)
  • leur financement (puisque, en fin de compte, «pas d'argent, pas de miel»).

Si vous ne communiquez pas, vous n'existez pas

La raison d'inclure un circuit privé comme PictureHouse vient du fait qu’ils mettent en œuvre des moyens qui me paraissent très importants pour l'avenir des salles de cinéma et qui peuvent inspirer CineArte (et pas seulement). L'un d'entre eux est le marketing et la communication. Juste en regardant le personnel, vous pouvez réaliser à quel point c’est important pour eux. "Si vous ne communiquez pas, vous n'existez pas". Ils font tout ce qui doit être fait pour exister et ils le font bien - à commencer par se doter d’un service conséquent (leur personnel de marketing, de conception et de communication représente plus d'un tiers de leurs employés de bureau) et à créer un poste de responsable marketing pour chacun de leurs cinémas. Leur objectif principal était de trouver la manière la plus simple et la plus attrayante pour que le public sache ce qu’ils faisaient et pourquoi ils devraient aller dans leurs cinémas.

Leur organisation combine des stratégies globales et individuelles au niveau de chaque cinéma et celles-ci sont discutées chaque semaine. Les partenariats répondent à la même logique - ils se font à l’échelle du groupe et localement - ce qui permet au groupe de créer du contenu nouveau et plus risqué, tout en permettant à chaque cinéma de trouver des partenariats locaux.

Et c’est la deuxième chose à laquelle ils travaillent, ce qui est essentiel pour tout cinéma d'art et essai : s’intégrer à la vie culturelle du quartier. PictureHouse se targue non seulement de faire une étude de marché pour savoir si un emplacement est viable pour ouvrir un nouveau cinéma, mais aussi d’adapter ce cinéma à cet emplacement. L'exemple le plus récent est celui de CrouchEnd PictureHouse, où même l'espace physique du cinéma est adapté aux besoins des clients, avec un parking à vélo et une salle communautaire. J'ai également eu la chance d'assister à une réunion sur la planification d'une nouvelle ouverture, et le principal sujet de discussion était de savoir comment s’insérer dans la vie culturelle du quartier avant même l’ouverture du cinéma. C'est une excellente campagne de marketing, bien sûr, mais celle-ci est fondée sur la philosophie de ce qu'un cinéma devrait représenter et offrir aux habitants des alentours.

Au cours de mon tour des "des circuits privés", grâce à mon ami Jan Makosch (un autre "Next/Changer"), j'ai eu la chance de rencontrer Irene Musumeci, de Curzon Cinemas. Outre les aspects semblables à PictureHouse, cela m’a permis d’en apprendre davantage sur leur stratégie globale programmation des salles, et également concernant leur plateforme VOD, service qu’il propose en parallèle.

Même si la plateforme a été lancée récemment, ils ont d’ores et déjà pu remarquer - à partir de données collectées auprès du public - que celle-ci aide les habitants des petites villes à accéder aux films qu’ils ne pourraient voir sur grand écran et ceux des plus grandes villes qui n’ont pas le temps d’aller au cinéma de pouvoir les regarder chez eux.

Les "Film Hub"

La deuxième étape de ma visite fut consacrée à des organismes qui pourraient inspirer CineArte dans ses objectifs plus classiques, puisqu'ils supportent et évaluent les salles de cinéma. J'ai d'abord rencontré Lindsay Harvey et Carina Volkes de FilmLondon. Le réseau et la structure régionale des « film hub » pourraient certainement fonctionner dans le paysage espagnol. Le plus important, c’est qu’il combinent des services locaux liés au tournage et à la production – qui existent déjà en Espagne – et cela pourrait être un point de départ intéressant pour approcher les institutions espagnoles.  Le fait qu’ils financent également la production de films pourrait être un service très utile au développement de CineArte.

Un autre domaine très intéressant est leur contribution à l'industrie cinématographique dans son ensemble, avec leur service d'analyse de box-office et de collecte de données, ainsi que leurs programmes de formation et de mise en réseau. Envisager ce type de services à CineArte pourrait intéresser à la fois les institutions publiques ainsi que les membres potentiels du réseau, car ils aident non seulement les cinémas, mais ils contribuent également au développement de l'industrie dans son intégralité. Nous avons également discuté des aspects financiers, du soutien de la part de BFI (British Film Institute) et des institutions régionales, ainsi que de l'évolution des lignes directrices qui définissent la façon dont les projets sont pris en charge.

Aide à la programmation, conseil et formation

Enfin, j'ai rencontré Jo Duncombe de Independent Cinema Office (ICO). Découvrir les origines de ICO et son évolution m’a apporté un énorme élan d'optimisme sur ce que CineArte pourrait être. ICO est une organisation indépendante à qui BFI externalise un large éventail de soutiens aux cinémas indépendants dans tout le Royaume-Uni.  Cette option est sans doute la plus plausible pour le développement CineArte. ICO travaille sur quatre aspects que nous avons déjà évoqué à CineArte : des services de programmation à différents niveaux afin de faciliter l’accès des petits cinémas aux films et de jouer ainsi un rôle plus important face aux distributeurs ;  du conseil, à la fois pour les nouvelles ouvertures et les cinémas existants, sur tous les aspects liés au cinéma (marketing, localisation, programmation…) ;  la formation et l’organisation d’événements pour l’industrie tels que Screening Days ; et la distribution de films sans distribution régulière.

Quant à leur financement, il est intéressant de voir qu’ils reçoivent également une subvention de la part de MEDIA, argent qui n’est pas distribué directement aux cinémas, mais qui sert à réduire simplement le coût de tous leurs services afin qu'ils puissent être accessibles à tous.

En conclusion, je peux dire que l'échange m'a apporté l'inspiration théorique et l'information pratique et fonctionnelle dont j'avais besoin. De plus, visiter de nombreux cinémas du paysage londonien (The Lexi, Everyman's Screen on the Green, The Electric ... en plus de nombreuses salles de Curzon et de PictureHouse), c’est avoir un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler l'avenir des cinémas d'art et d’essai.

Il est maintenant temps de mettre à profit tous les enseignements de ce voyage et de poursuivre le projet ambitieux de créer une entité régionale et nationale pour soutenir et développer le cinéma, dans un pays aussi cinéphile que l’Espagne.

Javier Pachón, Président de CineArte et CineCiutat

_______

Janvier 2017

_______

(traduit de l'anglais)